mercredi 10 janvier 2018

Catalogue de l'exposition Villissima aux éditions Parenthèses.






Beaucoup d’artistes s’attachent à décrire la ville, peu cherchent autant que Nicolas Aiello à l’écrire. Sa série rtf résulte de longues déambulations dans les rues de grandes villes européennes ou américaines. Aiello photographie sans arrêt, se retrouvant bientôt à la tête d’un grand nombre d’images. Plutôt que d’opérer une sélection en ne retenant que les plus révélatrices d’une morphologie ou d’une personnalité, il conserve cet excès. Leur montage n’est pas organisé dans le temps, comme au cinéma, mais plutôt dans l’espace. Chaque photo est insérée entre deux autres, créant ainsi avec ses compagnes de longues lignes urbaines. Après chaque ligne, il faut aller à la ligne. C’est ainsi qu’on apprend à lire - ou à écrire : en faisant des pages d’écriture. Chaque ville est donc une page d’écriture, sans être tout à fait écriture à la main. Les pleins et les déliés sont ici remplacés par des photos de pleins et de vides, du bâti et de l’espace. Loin de chercher à enjoliver, raffiner ou enrichir ces hiéroglyphes urbains, Aiello les aligne dans ce qu’ils ont de rustique voire de brutal. RTF signifie Rich Text Format, littéralement « format de texte enrichi ». C’est un standard de traitement de texte, à vrai dire assez peu riche ou sophistiqué. Il était donc logique que la litanie de ces images fût imprimée sans raffinement, à la façon dont nos imprimantes produisent du texte au quotidien, en noir et blanc et sans souci d’élégance. Nous devons accepter notre condition urbaine qui consiste à produire de l’image au kilomètre, à opérer d’infinis montages qui nous traversent plus qu’ils ne nous impriment. Nous écrivons la ville, mais elle s’inscrit tout aussi bien en nous. Aiello tend à la ville le sismographe ou le stylet qui lui permet de rédiger son incessant tressaillement. Armelle Caron délivre les ilots urbains en les rangeant sur des lignes, Neal Beggs réduit la personnalité d’une ville en barrettes de couleur, Aiello la transforme en exercice d’écriture minimaliste.

Texte de Guillaume Monsaingeon, commissaire de l'exposition.

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